Comment des supermarchés contournent l’interdiction de vendre des produits ‘non-essentiels’ en prenant des commandes sur place

Rédigé le 07/11/2020


Dans un décret publié mardi 3 novembre, le gouvernement a en effet interdit pour le moment la vente de certains articles dans les rayons des supermarchés français, notamment les livres, le textile, les jouets, les fleurs ou encore les objets de décoration. L'objectif était de ne pas concurrencer les petits commerçants obligés de fermer leurs portes à cause du reconfinement. C'était donc le branle-bas de combat dans les rayons des grandes surfaces ces dernières heures pour pouvoir se mettre en règle avec la nouvelle législation et rendre inaccessible au grand public les produits désormais interdits à la vente.

Les supermarchés avaient une tolérance de la part de Bercy jusqu'à mercredi 4 novembre pour s'organiser. Certains distributeurs semblent en tout cas dès aujourd'hui avoir trouvé la parade. C'est le cas, par exemple, dans un hypermarché Carrefour : devant les rayons interdits à la vente, des affiches indiquent qu'il est possible de passer commande directement en magasin, dans un espace dédié appelé le "point commande", créé de toutes pièces ces dernières heures.

Une fois la commande effectuée sur place, le client doit ensuite se rendre dans un point de retrait pour régler ses achats et les récupérer. Ces affiches étaient disposées devant le rayon jouets, mais aussi devant celui les livres et bandes dessinées ou encore celui dédié au textile. Contacté par nos soins, Carrefour nous a donné la réponse suivante : "Nous encourageons, mais nous structurons, toutes les initiatives en ce moment, à conditions qu'elles soient conformes aux directives des pouvoirs publics". Nous n'en saurons donc pas plus de la part de l'enseigne.

'On ne va pas s'amuser à jouer au plus malin'

Autre exemple : une affiche devant le rayon jouets d'un magasin Système U indiquant que ces produits sont désormais interdits à la vente, mais qu'il est possible de passer commande si on souhaite les acheter. Contacté, le porte-parole de l'enseigne le confirme : "Des points de retraits de commandes ont été mis en place dans certains magasins de l'enseigne". Et il précise : "il s'agit uniquement de commandes préalables, c'est-à-dire passées avant la venue en magasin, par téléphone ou par e-mail".

Ce mode de fonctionnement est donc différent de la possibilité offerte par Carrefour de commander directement au sein de ses points de vente, juste en se rendant en magasin sans réservation préalable. Il respecte en tout cas le cadre du décret passé par le gouvernement sur la vente des produits non-essentiels. Si la tentation de vendre coûte que coûte les stocks est grande, l'enseigne Système U est "plutôt légaliste par nature". "C'est un truc de dingue qui arrive de manière impromptue, mais on ne vas pas pour autant s'amuser à jouer au plus malin", précise le porte-parole.

Prudence pour Intermarché, 'pas à l'ordre du jour' pour Lidl

Dans un magasin Intermarché, c'était un peu moins clair ce mercredi 4 novembre : devant le rayon décoration et vaisselle, une affiche indique "commande possible". A priori avant la visite en magasin par email ou par téléphone. Mais elle précise aussi "à l'accueil du point de vente". Contacté, l'enseigne a confirmé qu'il devait s'agit d'une initiative locale mais qu'il n'est pas possible "de venir 'physiquement' acheter un produit en point de vente sans l'avoir commandé préalablement", que ce soit par téléphone ou par email.

Intermarché explique que seul le retrait de commande est autorisé et que "si un client est contrôlé, il faudra qu'il présente une preuve écrite prouvant qu'il vient retirer une commande : courrier, email ou SMS indiquant que la commande est arrivée". L'enseigne appelle également à "rester vigilants sur ce sujet" et à faire "attention aux abus et aux contournements". Elle précise encore plus clairement : "le canal 'vente à distance' doit rester distinct de canal de 'vente physique' en point de vente".

Pour d'autres distributeurs, la situation est beaucoup plus simple : Lidl nous a confirmé que ce type de service en magasin n'était pas "à l'orde du jour". L'enseigne a en effet retiré de ses rayons tous les produits considérés comme non-essentiels. Et ce malgré l'impact sur son chiffre d'affaires. Michel Biero, directeur exécutif de Lidl, confiait mardi 3 novembre ses inquiétudes au micro de RMC : "le manque à gagner est réel, très important". L'enseigne s'appuie en effet sur des ventes "coup de poing" de produits non alimentaires pour faire venir ses clients en magasin, comme par exemple le robot cuiseur Monsieur Cuisine Connect.

'Des consignes claires seront données prochainement aux enseignes'

Reste à savoir si ces initiatives, qu'elles soient isolées ou temporaires, rentrent bien dans le cadre légal du décret du 3 novembre 2020. Dans un communiqué de presse, le gouvernement appelait mardi à la "responsabilité des commerces et des professionnels concernés", précisant que "le respect de ces obligations sera apprécié de manière pragmatique".

Le ministère de l'Économie, des Finances et de la Relance a affirmé par l'intermédiaire du cabinet d'Alain Griset, ministre délégué chargé des PME : "ces nouvelles ventes font l'objet d'une attention particulière et des consignes claires seront données prochainement aux enseignes". Ces initiatives pourraient donc s'arrêter plus rapidement que prévu.